Home / Actualités / La loi "Industrie verte" et les ICPE

La loi "Industrie verte" et les ICPE

Les articles 8 et 9 de la loi décryptés

12/04/2024

La loi "industrie verte" contient de nombreuses mesures visant à faciliter et accélérer les procédures existantes de cessation d’activité des ICPE.

Encouragement du recours à un tiers certifié attestant de la mise en œuvre des mesures de remise en état des sites ICPE (article 8)

Le principe d’origine - La loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 (loi ASAP)[1] a introduit l’obligation pour les exploitants d’ICPE, dans le cadre de la procédure de remise en état de leur site, de faire attester par un bureau d’études certifié, ou équivalent, la mise en œuvre des mesures de mise en sécurité du site (ATTES-SECUR), l’adéquation des mesures proposées pour la réhabilitation (ATTES-mémoire) ainsi que la conformité des travaux réalisés (ATTES-TRAVAUX).

Cette obligation s’applique tant aux ICPE soumises à déclaration (pour les mesures de mise en sécurité uniquement[2]) qu’à celles soumises à enregistrement et autorisation[3].

Le silence du préfet à l’expiration d’un délai courant à compter de la réception de l’attestation (2 ou 4 mois selon l’attestation[4]) vaut accord de ce dernier.

Toutefois, cette obligation, qui vise à accélérer la procédure de remise en état en évitant les situations d’incertitude en cas de silence prolongé de l’Administration, ne s’appliquait jusqu’à présent qu’aux procédures de cessation d’activité ICPE notifiées à compter du 1er juin 2022.

La modification opérée – Les articles L.512-6-1 (ICPE soumises à autorisation) et L. 512-7-6 (ICPE soumises à enregistrement) du Code de l’environnement sont complétés pour permettre, de manière facultative, l’intervention de bureaux d’études certifiés pour les cessations d’activités notifiées avant le 1er juin 2022.

Les exploitants ICPE qui ont notifié leurs cessations d’activité avant le 1er juin 2022 (et dont la procédure de remise en état n’est pas encore achevée) peuvent ainsi demander, jusqu’au 1er janvier 2026, à bénéficier de cette procédure pour faire attester l’adéquation des mesures proposées pour la réhabilitation du site ainsi que la mise en œuvre de ces mesures (ATTES-MEMOIRE et ATTES-TRAVAUX).

A cette fin, il faut que:

  • les opérations de mise en sécurité aient été régulièrement menées à leur terme, et
  • le préfet n’ait pas fixé par arrêté des prescriptions particulières imposant des travaux ou des mesures de surveillance.

Le décret d’application de la loi "industrie verte" (en consultation jusqu’au 6 avril) précisera les conditions d’application de cette nouvelle mesure.

A noter également : la loi (article 9) introduit l’obligation de joindre une attestation « ATTES-ALUR » aux demandes de permis de construire et d’aménager (déposées à compter du 1er juillet 2024) portant sur des terrains ayant accueilli des ICPE lorsque le maître d’ouvrage à l’initiative du projet ne dispose d’aucun élément montrant que l’installation a été régulièrement réhabilitée.

Extension des pouvoirs de mise en demeure du préfet (article 8)

Le principe d’origine – La loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 (loi Bachelot) a prévu la possibilité pour le préfet, lorsqu’une ICPE n’a pas été exploitée durant trois années consécutives, de mettre en demeure l’exploitant de procéder à la mise à l’arrêt définitif de l’installation dans un délai déterminé, impliquant la mise en sécurité du site et sa remise en état le cas échéant (articles L.512-19 et L.512-22 du Code de l’environnement).

Toutefois, jusqu’à présent, une telle mise en demeure ne pouvait être décidée que lorsque l’intégralité du site ICPE était à l’arrêt, et non une partie seulement.

La modification opérée – Désormais, le préfet peut mettre en demeure l’exploitant de procéder à la mise à l’arrêt définitif en cas d’absence d’exploitation pendant trois années consécutives, sur une partie seulement de l’installation (article L.512-19 modifié). Le préfet pourra par ailleurs fixer un délai contraignant pour la réhabilitation (article L.512-22 modifié).

Facilitation de la détermination de l’usage future du site (article 8)

Le principe d’origine – Pour rappel, depuis le 1er mars 2006 pour les ICPE soumises à autorisation et depuis le 15 avril 2010 pour les ICPE soumises à enregistrement, les arrêtés d’autorisation ou d’enregistrement des ICPE implantées sur un "site nouveau"[5] fixaient en principe l’usage futur pour lequel le site devait être remis en état au jour de la cessation d’activité.

Toutefois, dans la mesure où la détermination de l’usage futur par le préfet se faisait de manière très anticipée, il n’était pas rare que des obligations de remise en état du site maximalistes soient prescrites en vue d’un hypothétique usage non industriel de la zone concernée à l’avenir, ce qui était de nature à décourager les opérateurs économiques.

La modification opérée – Pour ces ICPE, autorisées ou enregistrées postérieurement au 1er février 2004, l’usage futur retenu est, à défaut d’accord entre les personnes consultées par le préfet (c’est à dire le maire ou le président de l’EPCI compétent en matière d’urbanisme et, s’il ne s’agit pas de l’exploitant, le propriétaire du terrain d’assiette des ICPE), un usage comparable à celui des ICPE autorisées/enregistrées.

Toutefois, le préfet peut fixer des prescriptions de réhabilitation plus contraignantes afin de permettre un usage du site cohérent avec les documents d’urbanisme applicables (après avis et justification du maire ou président de l’EPCI compétent en matière d’urbanisme).

Renforcement de l’attractivité de la procédure de tiers demandeur (article 8)

Le principe d’origine - Introduite par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové dite "loi ALUR", la procédure de "tiers demandeur" permet de transférer à un tiers intéressé (un promoteur ou un aménageur notamment) la responsabilité (et les coûts) de la réalisation des travaux de réhabilitation du site, en fonction de l’usage qu’il envisage pour le terrain concerné.

Cette procédure présente de nombreux avantages, et notamment celui du gain de temps pour le tiers intéressé, qui peut engager la réhabilitation du site pour l’usage souhaité et ce sans passer au préalable par l’usage imposé au dernier exploitant.

Le tiers devient alors responsable de la remise en état du site vis-à-vis de l’Administration.

Cette procédure rencontre toutefois des obstacles que la loi industrie verte tente de lever.

Les modifications opérées - L’article L. 512-21 du Code de l’environnement a été modifié pour prévoir que :

  • le tiers intéressé pourra demander au préfet de se substituer à l’exploitant dès la notification de la cessation d’activité (et non uniquement au stade de l’arrêt définitif de l’ICPE), lui permettant ainsi de réaliser, s’il le souhaite, tout ou partie des mesures de mise en sécurité de l’installation ;
     
  • le tiers pourra demander au préfet "par anticipation", et avec l’accord de l’exploitant, l’autorisation de se substituer à ce dernier "en cas de future cessation d’activité" ;
     
  • en cas de défaillance du tiers intéressé et d'impossibilité de mettre en œuvre les garanties financières du tiers demandeur (couvrant la réalisation des travaux de réhabilitation), le dernier exploitant demeurera désormais uniquement responsable de la mise en sécurité de l’installation (et non plus de la réhabilitation du site).

Le projet de décret d’application de la loi industrie verte apportera des modifications complémentaires (e.g. renforcer les exigences sur les garanties financières à constituer par le tiers demandeur ; possibilité pour les collectivités d’être leur propre assureur lorsqu’elles déposent un dossier de « tiers demandeur » ; etc).

Qu’est-ce que cela change ?

L’ensemble de ces dispositions vise à libérer du foncier et à favoriser la reconversion des friches et sites industriels, tout en sécurisant leur dépollution. Le décret d’application à paraître devrait parfaire ces nouvelles mesures.


[1] Voir également le décret n° 2021-1096 modifiant diverses dispositions relatives aux sols pollués et à la cessation d'activité des installations classées pour la protection de l'environnement.

[2] Article L.512-12-1 du Code de l’environnement.

[3] Articles L.512-6-1 du Code de l’environnement (ICPE soumises à autorisation), L.512-7-6 (ICPE soumises à enregistrement) et L.512-12-1 (ICPE soumises à déclaration).

[4] Voir articles R.512-39-3 (ICPE soumises à autorisation) et R.512-46-27 (ICPE soumises à enregistrement) du Code de l’environnement.

[5] i.e un site vierge de toute ICPE.


En savoir plus sur notre cabinet d'avocats

Avec plus de 80 avocats spécialisés en droit de l’immobilier et de la construction, notre cabinet d'avocats compte l’une des équipes les plus importantes de la place française en opérations immobilières. L’équipe immobilier travaille en étroite collaboration avec plus de 200 avocats du cabinet dans des expertises connexes : droit fiscal, Corporate/Fusions et acquisitions, Private Equity, etc.

A propos de notre cabinet d'avocats

Expertise : Droit immobilier & construction

nous contacter 330x220

Nous contacter

Vos contacts

Portrait deAnne Plisson
Anne Plisson
Avocate
Paris
Portrait deChiara Corrasco
Chiara Corrasco
Avocate
Paris