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La couverture du risque pénal dans le cadre des garanties de passif confrontée au principe de personnalité des peines

26/04/2024

« Nul n’est responsable pénalement que de son propre fait ». Le principe de personnalité des peines, en application duquel une personne ne saurait être indemnisée à raison des sanctions pénales prononcées à son encontre, fait obstacle à ce qu’un passif pénal existant au niveau de la cible puisse être couvert par une garantie de passif dont le bénéficiaire serait la cible. Rien ne s’oppose en revanche à ce que ce passif donne lieu à une indemnisation au profit de l’acquéreur.

Depuis que les sociétés peuvent être condamnées à des sanctions pénales, les acquéreurs sont soucieux de se prémunir contre les conséquences financières des sanctions prononcées à l’encontre de la cible, postérieurement à la cession, pour des infractions commises avant celle-ci.

La couverture des risques de nature pénale par les garanties de passif négociées dans les accords avec les vendeurs se heurte cependant au principe de personnalité des peines.

Il se déduit de ce principe, énoncé à l’article 121-1 du Code pénal, que l’auteur d’une infraction pénale doit être personnellement tenu d’accomplir les peines prononcées à son encontre et ne saurait en faire supporter la charge à un tiers. Il en découle un principe d’inassurabilité du risque pénal consacré par un arrêt de la Cour de cassation du 21 juin 1960[1].

Ce principe a été appliqué à des opérations de cession d’entreprises. Il en a notamment été ainsi en 2020, dans une espèce où l'acquéreur d’un fonds de commerce s’était engagé à garantir le vendeur de l'exécution des mesures relatives au démontage de la structure illicitement mise en place et à exécuter à ses frais les travaux destinés à rendre les locaux conformes à la réglementation. La Cour de cassation a en effet considéré que la cour d’appel avait « retenu à bon droit que les mesures de démolition et de mises en conformité ordonnées (…), ne constituant pas des sanctions pénales, [pouvaient] faire l’objet de garanties contractuelles de la part de l’acquéreur »[2]. A contrario, cela signifierait que les sanctions pénales ne pourraient faire l’objet de garanties contractuelles.

Il convient en réalité de distinguer deux hypothèses.

Si la garantie de passif est consentie au bénéfice de la cible elle-même, toute mise en œuvre de la garantie donnera lieu à une indemnisation versée entre les mains de cette dernière. Dans ce cas, la garantie de passif s’apparenterait à une opération d’assurance et se heurterait au principe de personnalité des peines.

La situation est différente si la garantie de passif est consentie au bénéfice de l’acquéreur de la cible. Dans ce cas, l’objet de la garantie n’est pas d’indemniser la personne pénalement responsable (la cible) mais de restaurer l’équilibre contractuel entre les parties, bouleversé par la survenance d’un évènement affectant la cible. Même s’il convient de rester prudent en l’absence de jurisprudence spécifique sur le sujet, il existe ainsi de réels arguments pour considérer que ce mécanisme ne porterait pas atteinte au principe de personnalité des peines et serait ainsi parfaitement valable.

La Cour de cassation semble d’ailleurs s’orienter sur cette voie dans un arrêt du 25 novembre 2020[3], connu principalement pour avoir admis la possibilité d’un transfert de la responsabilité pénale de l’absorbée à l’absorbante dans le cadre d’une fusion, en justifiant, parmi d’autres arguments, la solution par l’idée que « les actionnaires de la société absorbante peuvent être protégés, notamment, par l’insertion d’une clause de déclarations et de garanties dans l’accord de fusion ».

Dans ce contexte de couverture des passifs d’origine répressive, il appartiendra aux rédacteurs d’actes d’être vigilants quant à la définition du dommage susceptible d’être indemnisé compte tenu de l’ampleur des conséquences financières pouvant résulter d’une condamnation pénale. La durée de la garantie contractuelle, étant en pratique généralement plus courte que le délai de prescription en matière pénale, devra également être un point d’attention déterminant lors de la négociation de la garantie.

Article paru dans Option Finance le 26/04/2024


[1] Com., 21 juin 1960, n°824 CIV 56, Bull. Civ. n° 246.

[2] Civ. 3e, 17 septembre 2020, n° 17-14.407 et n° 17-14.408.

[3] Crim., 25 novembre 2020, n° 18-86.955, Publié au bulletin.


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